Gros succès médiatique à la fête de l’Humanité samedi
13 septembre. Les preneurs de
son et les cameramen se sont bousculés massivement devant le stand du PG. Il
s’agissait de ne pas rater le rendez-vous annoncé dans la matinée de Jean-Luc
Mélenchon et de Jérôme Kerviel. On peut imaginer que certains organes de presse
n’avaient pas déplacé leurs reporters sans arrière-pensée. Une photo du
porte-parole du Front de Gauche parfois caricaturé en sans-culotte couteau
entre les dents frayant avec un trader repris de justice sont des ingrédients
qui promettent de l’audience ou de faire vendre du papier sans parler de
l’exploitation possible d’équivoques habilement suscitées. Même si pourtant
Jean-Luc Mélenchon a pris soin d’emblée d’éliminer la moindre ambiguïté :
« Nous ne souhaitons pas à nos enfants de faire ce boulot. Mais nous
défendons Jérôme Kerviel parce qu’il est un homme et un homme droit. »
Traçant un parallèle avec le capitaine Dreyfus dont
la gauche en son temps, peu portée sur l’armée et encore moins les officiers,
n’avait pris le parti ni immédiatement ni unanimement, Jean-Luc Mélenchon a
insisté sur la part d’ombre qui enveloppe toujours une affaire qui a fait du
trader le commode bouc émissaire d’une perte de 4,8 milliards d’euros exonérant
la responsabilité de sa banque. Sans parler de la signification de la
contribution involontaire de plus d’un milliard d’euros ponctionné sur les citoyens
et reversé par le gouvernement à la Société Générale… « L’Humain
d’abord », qui n’est pas un vain slogan, a trouvé là une illustration
concrète même si Jérôme Kerviel « n’est pas de notre bord ou ne partage
pas nos idées ».
Ces préoccupations de justice, de droits de l’homme
sont d’ailleurs au centre de l’intervention que devait effectuer au milieu de
l’après-midi Jean-Luc Mélenchon
liée à la nécessité de fonder urgemment une 6e république. Sous le chapiteau du
stand du PG, beaucoup trop petit pour contenir une foule attentive massée en
désespoir de cause tout autour du stand sous un soleil brûlant et dans le bruit
de la fête environnante, il en a détaillé la logique et les arguments.
Saluant, installés au premier rang, les deux
représentants espagnols de Podemos qui avaient fait part le matin de leurs
expériences en cours et Olivier Dartigolles, porte-parole du PC, Jean-Luc
Mélenchon a tracé l’espace du mouvement pour la 6e république : plus que
le Parti de gauche et que le Front de gauche mais pas son abandon ou sa
négation. « Le Front de gauche ? Mais c’est moi, aussi, a-t-il
rappelé. » Il a évoqué les divergences existant entre les différentes
composantes du Front, extrêmement importantes puisque stratégiques et non
réductibles à des « bisbilles » comme les éditocrates soucieux de
déconsidérer tout intérêt pour la politique le répètent à l’envi mais qui ne
sauraient faire oublier l’investissement des 4 millions d’électeurs des
dernières présidentielles, déterminants dans l’élection d’un président autoproclamé
de gauche. Nul ne peut nier que la ligne consistant à apparaître comme la vraie
gauche n’a pas donné les résultats espérés, ni aux municipales ni aux
européennes. Dans le cadre de la 5e république, il s’agissait d’une erreur.
« Le système qui donne le pouvoir à un seul
homme finit toujours par le donner à un imbécile. » La république gaullienne est si verrouillée qu’elle
passe par-dessus les élus pour concentrer le pouvoir sur un monarque
républicain. Et c’est « sur la base de cette asphyxie démocratique que prospère
et peut gagner Marine Le Pen », que François Hollande peut exercer un
chantage sur une situation qu’il alimente : le Front national ou lui.
Bref, une refondation démocratique s’avère un préalable indispensable, une 6e
république, qui fédère le peuple au-delà des notions de gauche et de droite.
Un débat avec Raoul-Marc Jennar, Francois Ruffin
entre autres, précédait l’intervention de Jean-luc Mélenchon et portait sur le
Grand marché transatlantique. Les participants se sont mis d’accord sur
l’aspect quasi totalitaire du traité projeté. Le néolibéralisme ne peut pas
s’accommoder de la démocratie et réciproquement. Quel que soit le niveau ou
l’angle depuis lequel le problème est pris, l’on finit toujours par se heurter
à la confiscation de la souveraineté populaire. La solution passe donc
par l’établissement d’une 6e république qui plus qu’une seule réforme
institutionnelle, souligne Jean-Luc Mélenchon, est en même temps une leçon de
citoyenneté. C’est en écrivant lui-même la constitution que le peuple à
travers la démocratie en action se constituera comme peuple. Il faut le
considérer non pas comme un point de départ ou d’arrivée mais un processus. Son
urgence se fait d’autant plus sentir que le monde du 21e siècle pose des défis
sociaux, économiques, démographiques, écologiques qui exigent des réponses
d’ensemble et démocratiques. Par exemple, « il va falloir décroître, en
finir avec le toujours plus ». Ce qui signifie une redéfinition des
besoins, une redistribution des richesses pour ne rien enlever à ceux qui
manquent déjà du nécessaire, une planification, une relocalisation de la
production, etc. « Nous allons devoir changer jusqu’à notre façon d’être
des êtres humains. La révolution citoyenne est une révolution
culturelle. »
Comment faire ? « Il faut organiser la
démocratie totale. » En
s’inspirant des révolutions citoyennes de l’Amérique latine, du mouvement
Podemos, il faut casser les systèmes verticaux pour mettre en place
l’horizontalité des réseaux. « Des centaines de personnes ont déjà proposé
leur aide » pour mettre en œuvre des systèmes d’échanges, de dialogues.
Le site du mouvement pour la 6e république existe
depuis deux jours. Son serveur informatique a été victime d’une
surfréquentation et a dû être remplacé recueillant dans ce laps de temps 16 000
signatures. www.m6r.fr va
évoluer selon les besoins et les inventions démocratiques. « Le
futur n’est pas ce qui va arriver mais ce que nous allons en faire. »
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